Affaire Vaucluse : Une dérive sordide dans l'ombre d'Avignon
Il y a, dans le sud de la France, une torpeur estivale qui semble immuable, un état de langueur crasse où les drames se jouent en silence, derrière des volets clos.
Le 2 septembre 2024, cette torpeur a été déchirée par l'ouverture d'un procès hors norme à la cour criminelle départementale du Vaucluse, à Avignon. Cinquante et un hommes comparaissent pour viols aggravés sur une femme rendue inconsciente par son propre mari, Dominique Pélicot. Une décennie entière de cruauté clandestine, de 2013 à 2020, dans la petite ville oubliée de Mazan.
Dominique Pélicot, un retraité de 70 ans, figure centrale de cette tragédie moderne, se tient là, minuscule, devant les juges. Un visage banal, une existence en apparence tranquille, jusqu'à ce que tout s'effondre. Pendant des années, Pélicot aurait administré des cocktails chimiques à sa femme, Gisèle, la plongeant dans un sommeil artificiel. La suite, macabre et méthodique, se déroule dans la pénombre d’une chambre à coucher : il livrait son épouse à des hommes qu’il recrutait anonymement sur Internet. L’affaire éclate en septembre 2020, lorsqu’il est surpris à filmer sous les jupes des clientes d’un centre commercial à Carpentras. La perquisition révèle des vidéos obscènes de viols, la femme inconsciente, gisante, n’étant autre que Gisèle.
Sur les 83 agresseurs identifiés, seuls 51 se retrouvent aujourd’hui sur le banc des accusés.
Âgés de 26 à 74 ans, issus de tous les milieux sociaux, ils se partagent l’indicible. Certains confessent leurs abjections, d’autres se disent manipulés, pris dans un piège tendu par Pélicot, comme dans une sordide loterie.
Le procès, prévu pour durer jusqu’au 20 décembre 2024, s'annonce comme un spectacle éprouvant, une cérémonie funèbre où la justice tentera de redonner un semblant d'ordre à l’incompréhensible. Gisèle, quant à elle, fragile et brisée, sera présente, spectatrice d’une mémoire qui lui échappe.
Au-delà de l’horreur intrinsèque, l'affaire révèle aussi les ténèbres plus vastes de notre époque : la soumission chimique, la question des responsabilités diluées dans le maelström numérique, où l’inhumanité prolifère en réseau.
Le site de rencontres qu’utilisait Pélicot (Coco), aujourd'hui fermé par les autorités, n'est qu'un élément de cette toile où tout est possible, où tout est permis.
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